A-t-on réussi à percer tous les secrets de la facture ancienne ? est ce que rien ne s'est perdu avec le temps, comme pour la lutherie ? Je ne pense pas, surtout pour l'orgue français du 18ème siècle. En ce qui le concerne, tout ou presque a été à écrit par Dom Bédos de Celles. Pour la part importante des instruments construits au 19éme siècle, les plus significatifs, ceux d'Aristide Cavaillé-Coll bénéficient de nombreux écrits techniques de Cavaillé-Coll lui même, de plans d'exécutions etc.. La copie est donc toujours possible mais le résultat serait bien évidemment assez différent du modèle original supposé " intact ", tout simplement parce qu'il manquera la patine du temps et que notre perception ainsi que notre sensibilité musicale n'est plus la même que celle de nos aïeux. Ce problème particulier est souvent rencontré pour des restaurations : l'application strictes des technologies, des paramétrages, des conventions de style etc.. ne donne pas toujours le résultat espéré, ce n'est pas toujours facile à accepter et c'est souvent l'objet de discussions passionnées avec les organistes très attachés à une vérité historique peut être illusoire. Lorsqu'on restaure un tableau ancien, et que l'on retrouve les couleurs d'origine, celles-ci nous apparaissent violentes, l'équilibre est modifié, la réalité est tellement différente de l'idée que l'on s'en faisait ...! En matière de restauration d'orgues, nous sommes face à la même difficulté et je peux comprendre parfois, la déception d'un musicien à l'audition d'une copie ou d'une restauration scrupuleuse. C'est un aspect très intéressant de la restauration ou de la copie qui nous astreint à une grande vigilance vis à vis de notre propre goût qui pourrait nous entraîner dans une certaine dérive. Y-a-t'il un type d'orgue " QUOIRIN " ? Probablement : je pense que chaque facteur propose un type d'orgue, même quand il restaure de la manière la plus scrupuleuse qui soit, il signe son travail d'une manière ou d'une autre . Pour infléchir le caractère d'un jeu d'orgue, sans changer bien entendu le paramétrage général, très peu d'interventions techniques sur les tuyaux peuvent suffire. La personnalité d'un orgue tient donc à des actions précises et fines de l'harmoniste. Ces actions sont déterminées par son goût musical, sa sensibilité, sa propre perception de l'environnement acoustique, son état psychologique pendant cette phase de la construction de l'orgue et de bien d'autres choses ! Qu'est ce qui fait qu'on vient chercher, en France et à l'étranger, Pascal Quoirin, au fin fond de la Provence ? Il travaille plus vite ? mieux ? moins cher ? C'est arrivé parfois que l'on vienne nous chercher, mais hélas ! ce n'est pas toujours le cas. Notre travail n'est pas gratuit ! mais pour faire des orgues de qualité il faut accepter de payer le prix d'une main d'œuvre qualifiée et des matériaux irréprochables. " Il n'y a que la qualité qui paye à longue échéance " c'est une phrase que j'ai entendu rabâcher tellement de fois ! Aujourd'hui je me rends compte que c'est la seule manière intelligente de pratiquer ce métier et ensuite, la réputation s'établit d'elle même. Quand on mange du copeau et de la limaille à longueur de journée, est-ce qu'on a encore, face à l'orgue, le même émerveillement qu'une personne qui va à un concert hebdomadaire ? Je ne peux pas vous répondre pour la bonne raison que je n'ai jamais essayé de manger des copeaux ou de la limaille, même en salade ! ! Bien sûr, je reste émerveillé par cette machine géniale qu'est l'orgue. Ce n'est certes plus l'émerveillement passionné de l'amateur que je fus étant jeune mais plutôt une passion objective si tant est qu'il soit possible d'être objectif et passionné à la fois ! mais c'est toujours pour moi un métier passionnant. Chaque projet est nouveau, chaque orgue à restaurer est une autre histoire, une autre aventure, une autre musique, d'autres musiciens. Qu'est ce qui vous donne le plus de satisfaction : la restauration ou la construction ? Les deux. |