Allez-vous de temps en temps dans les églises, voir vos " enfants " ?


Assez rarement et cela dépend des endroits. Je n'ai pas forcement du plaisir à réécouter nos instruments, je n'y perçois souvent que des défauts. Les instruments restaurés me donne plus de satisfaction professionnelle.


Venons-en à l'orgue de St Rémy : on parle de reconstruction, c'est donc qu'il y avait quelque chose avant l'instrument que nous connaissons ?


En effet, Il y avait avant celui-ci un orgue électro-pneumatique des années 1925, le son était sourd, opaque, lourd, tout ce que je déteste. Une part importante de la tuyauterie était en zinc. Le reste était en étain, nous avons pu le conserver pour ses bonnes proportions et sa qualité de fabrication. Il s'agissait d'un ensemble de tuyauterie de Moitessier, facteur d'orgue au 19ème siècle, qui avait, environ soixante dix ans plutôt, construit un petit orgue dans cette église. Une chose cependant était intéressante, c'était le décor du buffet, dessiné par un architecte marseillais en 1925 et qui reprenait un vocabulaire architectural néoclassique. Le tout était d'une couleur sombre comme c'était la tendance à l'époque.


Pour ce projet, lorsqu'on vous a consulté, vous a-t-on imposé un cahier des charges ?


Non : on m'a laissé carte blanche. Pour cela je dois remercier l'initiateur de cette reconstruction : M. Philippe Latourelle avec qui s'est instauré très vite un climat de confiance.


Avez-vous rencontré des difficultés techniques ?


Oui, comme pour toute création : elles furent résolues en général avec des solutions traditionnelles. C'est un orgue a transmission mécanique avec 62 jeux sur trois claviers, assez lourd à manier. Un problème important demeure encore pour l'utilisation en concert :deux assistants sont nécessaires! Il existe aujourd'hui des solutions électriques très performantes. Un projet  est d'ailleurs actuellement à l'étude pour cet orgue.  Il consiste à doubler le tirage des jeux mécanique par un système électrique équipé d'un combinateur pouvant mémoriser les registrations. Une autre difficulté fut la traction des notes : la mécanique est suspendue, mais avec des sommiers conçus pour alimenter toute la tuyauterie, à savoir le Plenum, les fonds et les jeux d'anche : on a donc des séries importantes de soupapes à tracter, et, aux doigts, évidemment la force nécessaire pour vaincre la résistance est quand même importante lorsque les trois claviers sont accouplés. Je reconnais que ce peut être une gêne pour un organiste pas très habitué à ce type d'orgue, surtout pour ceux qui sont habitués au toucher d'orgues à transmission électrique. Mais, quand par ailleurs on assiste à une démonstration de l'orgue par l'organiste titulaire Jean-Pierre Lecaudey ! J'avoue ne plus très bien comprendre réellement où se situe la gêne tellement il est éblouissant de technique sur cet orgue ! Je n'ai jamais vu une adaptation aussi parfaite d'un musicien à son instrument !:c'est vraiment un grand technicien du clavier.


L'orgue est un instrument qui vieillit bien ?


Oui. Contrairement au piano par exemple, où il y a une forte tension des cordes, les structures sont sans cesse sous contrainte, et, au bout d'un certain nombre d'années, l'instrument se vide et sonne de moins en moins.. Pour l'orgue, il y a une oxydation naturelle des biseaux ce qui atténue la verdeur de

l'attaque. Le son devient plus onctueux, plus tendre, l'instrument gagne en poésie.

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Si vous deviez refaire l'instrument de St Rémy aujourd'hui, serait-il le même ?


Oui ; avec cependant des modifications au niveau du tirage des jeux comme je vous le disais tout à l'heure

mais aussi au niveau de la traction des notes ( allégement par assistance d'une machines Barker pour les accouplements).


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